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Alors il disparaît dans son nuage sombre,
Et Bonaparte voit s’approcher une autre ombre.
L’orgueil romain brillait dans son œil menaçant ;
Il tenait dans ses mains les chaînes populaires ;
Ses membres consulaires
Rougissaient sous la pourpre et sous son propre sang.
 
« Salut, soldat heureux, qui forges ta couronne ;
» Moi je suis ton égal ! Ce que le sort te donne
» Il me l’avait promis ; je n’avais plus qu’un pas,
» Pour avec mes deux mains prendre le diadème,
» J’étais au rang suprême :
» Mais la fortune alors dit : Je ne le veux pas !

» Comme toi j’ai franchi ces montagnes géantes,
» J’ai vu Rome à mes pieds et ses cités béantes ;
» J’ai de mes bras puissans étreint la liberté :
» Mais elle, dans mon sein, enfonça son épée,
» Et près du grand Pompée,
» J’ai du pouvoir humain montré la vanité.

» Comme moi, tu régis un peuple qui fut libre ;
» Tu tomberas de haut si tu perds l’équilibre ;
» Prends garde, en l’usurpant, d’abuser du pouvoir ;
» Ne laisse pas du front tomber ton diadème,
» Car tu choirais toi-même :
» Adieu ; dans dix-neuf ans je viendrai te revoir ! »