çà et là par des taillis interrompus, distribué en tout sens avec un certain désordre intelligent, et orné, pour ainsi dire, d’une grâce systématique. Enfin quelques masques moulés en plâtre dont le hasard m’aida à découvrir les débris dans un coin du jardin m’indiquèrent que l’ancien familier de ces ombrages devait être un de ces sages modernes qui s’exercent à la science de l’homme. M’étant alors informé auprès du nouveau propriétaire, j’appris que cette petite maison de campagne avait servi de retraite dans les derniers temps de sa vie au docteur Gall.
C’est là que je lus pour la première fois le grand ouvrage de la Physiologie du cerveau. Il y a un charme particulier à prendre connaissance d’un livre aux lieux mêmes où son auteur l’a sans doute composé. La nature modifiée autour de vous par cet homme éteint, dont elle garde encore la trace vivante, explique et commente silencieusement les passages obscurs de son œuvre. Il semble qu’il reste un peu de son souffle dans les branches que le vent agite sur votre tête. Vous vous conformez naturellement au sentiment général que les objets extérieurs expriment devant vos yeux ; il n’y a pas de meilleure disposition que celle-là pour communier à la pensée de votre auteur. Nous vécûmes huit jours de la sorte dans la compagnie occulte du docteur Gall, nous asseyant sur l’herbe aux mêmes endroits où il s’asseyait, respirant le même air, animés de la même ardeur de la science, lui mort, moi vivant, tous les deux rapprochés par la nature. Cette présence mystérieuse de Gall, qui se joignait à la lecture de son ouvrage