et à la prévision de leurs destinées plus ou moins libres ; des obstacles que la science de Gall ni celle de tout autre, ne pourra vaincre. Les hommes deviennent grands par divers côtes imprévus ; quelques uns se font remarquer dans les arts par des défauts naturels élevés à une certaine puissance. La santé chez plusieurs, la maladie chez d’autres, détermine la condition physique de leur supériorité. Henri Heine nous a raconté l’histoire d’un célèbre Allemand valétudinaire que les médecins et les voyages avaient guéri jusqu’à le rendre bête. Mirabeau malade n’eût plus été que la moitié de Mirabeau. Pascal, sain et bien portant, n’aurait sans doute pas jeté une à une ces sublimes pensées où l’on retrouve à chaque ligne la trace d’un esprit alarmé sous la main fébrile de l’angoisse. M. de Lamennais, dont la vie entière n’a guère été qu’une longue souffrance nerveuse, doit beaucoup, comme écrivain, à ce martyre intérieur. Il ne faut pas oublier que la perle fine, la perle d’Orient, se forme au fond de la mer dans l’écaille de l’huître par suite d’une maladie de ce mollusque. Tout le monde sait, en outre, que l’esprit d’un homme est jusqu’à un certain point tributaire du milieu dans lequel il s’exerce. La nature fournit l’organisation, la société en détermine l’emploi, d’où il arrive que souvent des dispositions très énergiques sont demeurées stériles faute d’avoir rencontré dans le monde le centre de leur activité. On a beau être doué de grands moyens et s’arranger pour les faire paraître, si les circonstances n’arrivent point, ces moyens agissent sur le vide, et voilà le grand homme manqué.
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