Page:Estève - Leconte de Lisle, Boivin.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

43
LES ANNÉES DE JEUNESSE

les fossés pendant vingt jours, en admirant les belles dames et demoiselles anglaises qui s’y promènent depuis six heures du matin jusqu’à huit heures du soir, inclusivement. » Si l’oncle avait été bon pour le neveu, c’est que le neveu avait fait à l’oncle de belles promesses. Il avait promis de ne plus vendre ses hardes, de prendre ses inscriptions et desuivrelescours. Chose étonnante ! il tint parole… pendant trois mois. Le 29 janvier 1841, il était admis au premier examen de baccalauréat en droit, avec deux rouges et une noire. Mais, cet effort une fois fait, il retomba dans ses errements habituels. L’oncle le sut, et se fâcha. Le 7 février, le pauvre Leconte de Lisle s’empressa de faire amende honorable. « Votre lettre, mon cher oncle, m’a fait beaucoup de peine. La promesse que j’avais faite à ma tante-de ne plus me défaire de mes vêtements n’a pas été oubliée. Si vous avez été informé que je persistais à vendre mes habits, on vous a fait un infâme mensonge. Quant à mes mauvaises connaissances, mon cher oncle, l’influence qu’elles exercent sur ma conduite se réduit à me faire rester dans ma chambre toute la journée,, si ce n’est pour aller aux cours. Nous nous rassemblons le soir pour causer, et à cela se réduit mon crime. Depuis quelque temps, je suis on ne peut plus assidu à la Faculté. Si je suis appelé devant elle pour quelques absences, je viens d’écrire au doyen pour lui expliquer mes motifs, et j’espère qu’il y aura égard. J’ai maintenant la ferme volonté de terminer le plus tôt possible mes études de droit mais si je recevais d’aussi affreuses lettres que par le passé, je ne sais trop ce que je ferais. Je suis bien avec papa maintenant, et j’ai une grâce à vous demander, c’est de ne pas lui écrire contre moi. Fiez-vous encore à ma promesse de travail, je la tiendrai… » Serments d’ivrogne ! du moins M. Leconte les jugea tels, car il fut inflexible. Deux mois plus tard, le jeune homme se plaignait de ne pas recevoir d’argent il suppliait son oncle de lui « faire parvenir cinq francs au moins ». Au mois de septembre, nouvelle requête. Cette fois, c’est un appel désespéré. Il « manque absolument de tout » ; il ne sait même plus comment se faire la barbe ; il a été obligé de recourir à la bonne volonté » d’un ami « pour se procurer un peu de sirop, attendu qu’il avait