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CHAPITRE III


LES DÉBUTS LITTERAIRES :
LECONTE DE LISLE À PARIS



I



Une fois passées les premières effusions de joie qui suivirent le retour de Leconte de Lisle au pays natal, il fallut songer aux affaires sérieuses et choisir une carrière. Sans la licence en droit, le jeune homme ne pouvait ni avoir accès à la magistrature ni être régulièrement inscrit au barreau. Quand il s’installa à Saint-Denis, fût-ce bien, comme le disent ses biographes, en qualité d’avocat ? Ce dut être plutôt, j’imagine, en qualité d’homme d’affaires. Mais quel homme d’affaires que ce poète de vingt-cinq ans ! Il habitait, dans le beau quartier de la ville, et dans une des rues les plus riantes de ce quartier, une maisonnette entourée de manguiers et d’arbres à pain, qui avait vue d’un côté sur la montagne, de l’autre sur la mer. Le site était admirable. Il s’y ennuya. Dans sa résidence nouvelle, il n’avait ni camarades, ni amis, personne avec qui disserter à perte de vue sur ses sujets favoris, religion et politique, littérature et art personne avec qui fumer, comme jadis, « le poétique cigare » au bord de la mer. Il se sentait « horriblement seul il n’avait pas oublié son cher Adamolle, « l’ami », « le frère », auquel en quittant Bourbon, il avait juré une amitié éternelle ; et Adamolle ne l’avait pas oublié non plus. Mais Adamolle n’était pas à Saint-Denis ; il était resté sur les Hauts de Saint-Paul, dans l’habitation paternelle ; il s’était marié. Il n’y avait d’autre ressource que de correspondre avec lui de temps à autre. Et c’est grâce aux cinq ou six lettres de Leconte de Lisle à Adamolle qui nous ont été conservées qu’il nous est