Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/79

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certaines erreurs invétérées, que si on en épargne la moindre racine, le tronc en subsiste sur le pied ; si l’on néglige de frapper le moindre coup, il semble aux esprits prévenus que quelque difficulté invincible arrête vos efforts. Ne voit-on pas tous les jours, dans les disputes de religion ou de philosophie, des objections mille fois anéanties, mille fois revenir à la charge sous une forme nouvelle ? Si vous manquez au moindre petit développement d’une vérité, si vous prévenez trop implicitement une objection, l’imposture ou l’entêtement en profitent aux yeux du public ignorant ; ils érigent un trophée des chétifs lambeaux que vous leur laissez : leurs folles opinions mille fois terrassées, si vous oubliez de leur donner le dernier coup, ils les relèvent comme saines et entières, et le crient aux oreilles de tout le monde.

Voyez, par exemple, ces prétendus démonstrateurs de la religion, qui la déshonorent par la faiblesse ou le ridicule de leurs preuves ; ne connaissant, pour la plupart, ni ce qu’ils défendent, ni le fond des opinions qu’ils attaquent, ils s’en forgent, ils en publient des idées ordinairement favorables aux desseins qu’ils ont de paraître victorieux. Je loue leur zèle ; mais leur sotte présomption, leur ignorance ou leur mauvaise foi, sont-elles excusables aux yeux du sage ? Qu’on me pardonne cette digression, je reviens à mon sujet.



Véritable origine des nations, et causes de la corruption des
sentiments de sociabilité


Cherchons la cause physique de la corruption des nations. Je dis que nous ne la trouverons point dans leur origine. Tout peuple, quelque nombreux qu’il soit devenu, quelque vaste pays qu’il occupe, doit son commencement