Page:Etudes de métaphysique et de morale, année 10, 1902.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

la science a déjà assez vécu pour qu’en interrogeant son histoire, on puisse savoir si les édifices qu’elle élève résistent à l’épreuve du temps ou s’ils ne sont que des constructions éphémères.

Or que voyons-nous ? Au premier abord il nous semble que les théories ne durent qu’un jour et que les ruines s’accumulent sur les ruines. Un jour elles naissent, le lendemain elles sont à la mode, le surlendemain elles sont classiques, le troisième jour elles sont surannées et le quatrième elles sont oubliées. Mais si l’on y regarde de plus prés, on voit que ce qui succombe ainsi, ce sont les théories proprement dites, celles qui prétendent nous apprendre ce que sont les choses. Mais il y en a en elles quelque chose qui le plus souvent survit. Si l’une d’elles nous a fait connaître un rapport vrai, ce rapport est définitivement acquis et on le retrouvera sous un déguisement nouveau dans les autres théories qui viendront successivement régner à sa place.

Ne prenons qu’un exemple : la théorie des ondulations de l’éther nous enseignait que la lumière est un mouvement ; aujourd’hui la mode favorise ia théorie électro-magnétique qui nous enseigne que la lumière est un courant. N’examinons-nous pas si on pourrait les concilier et dire que la lumière est un courant, et que ce courant est un mouvement. Comme il est probable en tout cas que ce mouvement ne serait pas identique à celui qu’admettaient les partisans de l’ancienne théorie, on pourrait se croire fondé à dire que cette ancienne théorie est détrônée. Et pourtant il en reste quelque chose, puisque entre les courants hypothétiques qu’admet Maxwell il y a les mêmes relations qu’entre les mouvements hypothétiques qu’admettait Fresnel. Il y a donc quelque chose qui reste debout et ce quelque chose est l’essentiel. C’est ce qui explique comment on voit les physiciens actuels passer sans aucune gêne du langage de Fresnel à celui de Maxwell.

Sans doute bien des rapprochements qu’on croyait-bien établis ont été abandonnés, mais le plus grand nombre subsiste et paraît devoir subsister. Et pour ceux-là alors, quelle est la mesure de leur objectivité ?

Eh bien, elle est précisément la même que pour notre croyance aux objets extérieurs. Ces derniers sont réels en ce que les sensations qu’ils nous font éprouver nous apparaissent comme unies entre elles par je ne sais quel ciment indestructible et non par un hasard d’un jour. De même la science nous révèle entre les phénomènes