Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses meules et porte ensuite ses eaux à un autre petit moulin très vieux, tout en hauteur, d’un aspect étrange avec ses murs latéraux bâtis en angle aigu pour rompre le courant, et qui reflète dans la Dordogne ses épaisses murailles de pierre de taille, roussies par le soleil de plusieurs siècles.

Dans ce ravin enfoui sous la verdure, au bord de ce ruisselet qui tombe dans la belle Dordogne, aux eaux bleues, je ferais volontiers mon Moulin du Frau Je le dis à Yvon.

— Alors je vais en prendre une vue pour toi :

Et il braque son appareil. J’aurais voulu qu’elle fût reproduite ici, malheureusement le cliché a été cassé accidentellement avec beaucoup d’autres.

Rochers longeant la Dordogne à Limeuil

Un peu en aval du moulin, des rochers curieusement rongés par les gelées forment des sortes de larges cannelures horizontales, arrondies, d’un effet singulier. À un endroit, ces corrosions se combinent avec d’autres, perpendiculaires, de manière à former des sortes de colonnes semblables à des piles de gigantesques fromages du Cantal.

Après avoir pris une vue de ces rochers, nous remontons vers Limeuil. Chemin faisant, nous apercevons, sur la berge, un lièvre qui se promène tranquillement. Dérangé probablement dans son gîte, par des moutons qui paissent dans les environs, par prudence il va, vient, repasse sur ses voies, les embrouille, puis remonte vers les terres, manœuvre encore, et, toujours sans se presser, disparaît dans un pli de terrain.

Nous voici à l’Ancre de Salut, près la porte de la ville qui donne sur la grève. C’est une ancienne auberge de mariniers qui doit avoir perdu sa clientèle d’autrefois, car il n’y a plus de bateaux de transport sur la rivière. Jusqu’ici je n’ai vu qu’une gabare au port de Couse, qui déchargeait, je crois, des ballots de chiffons pour les papeteries. Les auberges de bateliers sur les fleuves, disparaissent comme les auberges de rouliers sur les grandes routes.

À proximité de deux rivières, on doit manger du poisson. Aussi nous sert-on une carpe frite et une belle brême. Avec cela une omelette aux herbes, des oronges au verjus et un quartier d’oie : le tout arrosé d’un bon petit vin nouveau du pays.

Après déjeuner, nous passons sous la vieille porte à laquelle aboutit une rue étroite à pente très roide, qui grimpe tortueusement au sommet de