Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/4

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Molière, qui appelle M. de Pourceaugnac un gentilhomme limosin, l’eut certainement appelé périgordin, s’il l’avait fait né natif de notre province.

C’est donc vers le dix-huitième siècle seulement, qu’on ajouta au mot périgordin cet u qui l’alourdit, l’assourdit et lui donne une physionomie empotée.

Quel est l’auteur de cette adjonction malheureuse ? Je ne sais. Peut-être est-ce quelque écrivain soigneux et économe, qui n’aura pas voulu laisser perdre cette lettre u que, précisément en ce même temps, nos voisins supprimaient avec raison des mots Bourdeaux, Bourdelais.

Quoi qu’il en soit, périgordin est la vraie orthographe étymologique, historique, euphonique, et je m’y tiens.

On m’objectera l’usage. À ceci je réponds que la forme : périgordin était usitée lorsque la nouvelle a prévalu. Si l’on a pu s’écarter de l’usage pour adopter une orthographe défectueuse, on peut bien s’en écarter aussi pour revenir à la bonne.

Ceci dit, je commence.

Parti d’Hautefort le 8 octobre, avec mon second fils Robert, nous allons coucher à Nontron, où l’ami P… doit nous rejoindre. Nous sommes des voyageurs sans bagages, presque des chemineaux. Robert porte en bandouillère un sac de cuir contenant quelques objets de toilette et un peu de linge de rechange, — le strict nécessaire. — Moi, j’emporte une jumelle, et tous deux, le bâton de pérégrinateur à la main, nous débarquons à l’hôtel Morelon, vers neuf heures et demie du soir.

Le matin, de la fenêtre, nous apercevons notre ami descendant la rue en escalier qui fait face à l’hôtel, en brandissant son parapluie. Tous trois nous escaladons ce gentil bâton de perroquet qu’il vient de descendre, et bientôt nous voici au Fort, c’est-à-dire sur l’emplacement de l’ancien château saccagé par les Normands au neuvième siècle, et tant de fois pris et repris depuis.

De là, nous franchissons la coupure caractéristique qui sépare l’extrémité du promontoire du reste de la colline, et nous gagnons la place de la Grande-Église où s’élevait, lors de la primitive occupation, l'oppidum gaulois. Sur cet emplacement, on a bâti l’école primaire, devant laquelle s’étend une belle promenade soutenue par des terrasses. Quelle admirable vue on a, de là, sur la gorge du Bandiat ! La petite rivière aux eaux claires, bouillonne au fond d’un ravin, aux pentes abruptes, tapissées d’arbres et de verdure, d’où sortent ça et là, des dents de rochers granitiques. Une sensation de calme et de fraîcheur monte de ces profondeurs avec le bruit des eaux. Rien que cela vaut le voyage de Nontron.