— Pauvre femme ! elle était trop jeune pour mourir !
Voyant qu’elle n’était pas pliée, ensevelie, ils la laissèrent dans les draps, les rabattirent, puis l’ayant mise dans le vieux couvre-pieds, tout bâti et rapiécé de morceaux différents, après l’avoir bien arrangée dedans, ils attachèrent les linceuls au-dessus de la tête et aux pieds. Cela fait, ils prirent ce pauvre corps roide et le posèrent sur la civière, puis chacun prit un des quatre bras, et, étant sortis de la maison, ils se mirent en marche à travers la forêt.
La journée avait été chaude ; le soleil qui baissait envoyait ses rais à travers les taillis comme des pailles d’or. Les oiseaux commençaient à se retirer pour la nuit et voletaient dans les branches. On étouffait dans ces bois sans air, et les chemins étaient mauvais, de sorte que les porteurs fatigués s’arrêtaient souvent et s’essuyaient le front avec leur manche. Puis, reposés, ils crachaient dans leurs mains, empoignaient les brancards et se remettaient en route.
Moi, je les suivais machinalement, m’arrêtant lorsqu’ils s’arrêtaient, repartant avec eux, perdu de chagrin, sans penser à rien, regardant d’un œil fixe le corps de ma mère plié dans le couvre-pieds, qui s’en allait secoué par l’effet des accidents de terrain, et autour duquel de grosses mouches noires venaient bourdonner…
Au sortir de la forêt, les chemins étant découverts et meilleurs, les hommes purent porter