Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/32

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Alors, mon père, ayant pris le tortillon dans la poche de dessous de sa veste, me le donna. Je l’embrassai, et je me mis à manger ce gâteau de paysan, après en avoir porté un morceau à ma mère, qui ne le voulut pas :

— Non, mon petit, mange-le, toi.

Ah ! quel bon tortillon ! j’ai depuis tâté de la tourte aux prunes, et même, une fois, du massepain, mais je n’ai jamais rien mangé de meilleur que ce premier tortillon.

Mon père me regardait faire avec plaisir, tout heureux de ce que j’étais content, le pauvre homme ! Puis il se leva, alla quérir dans le tiroir du cabinet un vieux marteau rouillé, et, revenant près du feu, se mit à ferrer les sabots. Lorsqu’il eut fini, il ôta les brides des vieux, et les posa aux neufs, après les avoir ajustées à la mesure du pied. Étant ainsi tout prêts, ma mère prit les sabots sur-le-champ, car elle n’avait autre chose à se mettre aux pieds.

Après ça, elle descendit de la crémaillère l’oule où cuisait pour le cochon, et, ayant vidé les pommes de terre dans le bac, les écrasa avec la pelle du foyer en y mêlant quelques poignées de farine de blé rouge. Puis, ayant laissé manger un peu notre chienne, elle porta cette baccade ou pâtée à notre porc, qui, connaissant l’heure, geignait fort en cognant son nez sous la porte de son étable.

La nuit noire venue, le chalel fut allumé, et