Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/338

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que quelque chose me mordit au cœur. Et, juste à ce moment, la Mathive sortit de l’église habillée de deuil.

Je répétai ma question, dans une transe affreuse.

La Bertrille me tira à l’écart :

— Alors, tu ne sais rien ?

— Mais quoi ? tu me fais mourir !

— Hélas ! mon Jacquou, tu ne verras plus la pauvre Lina !… elle est morte !

— Ho ! Dieu ! fis-je, écrasé par cette nouvelle.

Lors la Bertrille m’emmena plus loin, sur un chemin écarté, et me raconta ce qui était arrivé.

Pour garder son Guilhem, qui parlait toujours de s’en aller, parce qu’il voyait bien que lorsque la Lina serait maîtresse de ses droits, ce serait fini de rire, la Mathive, surmontant sa jalousie, voulait absolument le faire marier avec sa fille. La pauvre petite résistait, bien entendu, de manière que c’était continuellement des trains dans la maison et des tapages qui faisaient mettre les voisins sur les portes. Ça en était venu à ce point que la Mathive s’était adonnée à battre sa fille quasi tous les jours, pour la forcer à consentir ; d’où il advint qu’un soir qu’elle l’avait tabustée, souffletée, tirée par les cheveux et battue tellement qu’elle en portait les marques à la figure, la pauvre drole, épouvantée, s’était sauvée des mains de sa misérable mère, qui était capable de la tuer quelque moment. Venue en hâte aux Maurezies pour me dire qu’elle n’y pouvait plus