Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/339

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tenir, et me consulter sur ce qu’il y avait à faire, elle trouva une voisine de nous à qui elle demanda où j’étais.

— Ah ! pauvre fille ! qui sait où il est ! voici trois jours et trois nuits qu’âme vivante ne l’a vu : il était au guet du lièvre, la nuit ; sans doute on l’aura assassiné et jeté dans le Gour.

Là-dessus, désespérée, la tête perdue, la pauvre Lina s’encourut, remontant au-dessus de La Granval, et, le lendemain, tandis qu’on me relevait sur le chemin, on trouvait ses petits sabots au bord du Gour…

Ayant ouï, je m’enfuis fou de douleur vers la forêt, et, comme une bête blessée à mort, je me jetai dans un fourré où je pleurai jusqu’au soir, sanglotant, mordant l’herbe, et parfois hurlant de désespoir comme un loup enragé. Puis, la nuit tombée, je revins aux Maurezies et je me couchai sans souper.


De ce jour, je commençai à courir les villages le soir, dans les alentours de l’Herm, là où l’on avait le plus éprouvé la malfaisance du comte de Nansac, comme Prisse, Les Bessèdes, Le Mayne, La Lande, Martillat, Le Laquens, La Bourdarie, Monplaisir et autres. Partout je rappelais les tyranniques vexations de ce gredin, ses méchancetés, la férocité froide avec laquelle il abusait de sa force ; son insolence, celle de son fils et de leurs hôtes à l’égard des femmes : à chacun je ravivais le souvenir de ce qu’il avait eu par-