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Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/415

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lâche ! vas-tu oublier la haine jurée à la race maudite des Nansac !… »

Et sur le coup de la colère, changeant de chemin, je m’en fus passer au bout de l’allée de châtaigniers où nous avions enterré le pauvre curé. La terre relevée s’était tassée, enfonçant le cercueil de bois blanc, en sorte que la tombe ne marquait plus guère. L’herbe poussait égale et drue dans l’allée abandonnée, recouvrant le tout. « Encore un hiver, pensai-je, et les pluies auront nivelé entièrement le terrain, et la trace de la fosse de ce brave homme, disparaîtra entièrement. Son souvenir vivra encore parmi ceux qui l’ont connu, mais, ceux-là morts à leur tour, nul plus ne s’avisera de songer à lui ; l’oubli profond couvrira de son ombre et la sépulture et le souvenir : ainsi vont les choses de ce monde. » Et des idées tristes me venant à l’esprit, je m’en fus lentement vers le Gour, et là, je restai longtemps, les yeux attachés sur cette nappe d’eau qui montait des profondeurs souterraines où dormait la pauvre Lina. Puis je fus pris par un désir grand de parler d’elle, et j’allai à Bars trouver la Bertrille.

On sortait de vêpres comme j’arrivais, et je me plantai contre l’ormeau pour l’attendre ; mais j’eus beau épier, je ne la vis point. Tout le monde étant dehors, je me promenai un instant, espérant trouver quelqu’un de connaissance pour me renseigner, car je la croyais toujours à Puypautier. Dans la méchante auberge de l’endroit,