Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/25

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il faut une borne après laquelle celui-ci mettra son ambition non plus à étendre sa propriété, mais à l’améliorer.

La loi Licinia, qui limitait la quantité de terre qu’un citoyen pouvait posséder, eut les plus heureux effets. Les vieux historiens de Rome sont d’accord pour le constater. Tous la citent avec éloge pour avoir empêché, puis retardé, la constitution de ces immenses domaines qui dépeuplèrent et ruinèrent l’Italie.

« Il ne suffit pas, dans une bonne démocratie, dit Montesquieu, que les portions de terre soient égales, il faut qu’elles soient petites ».

Or, il y a en France un territoire agricole de quarante-neuf millions d’hectares, sur lesquels cinq cent mille individus possèdent trente-deux millions d’hectares ; cinq millions cinq cent mille propriétaires se partagent les cinq millions d’hectares restant, très inégalement, le plus grand nombre n’ayant qu’un lopin.

Les d’Orléans ont d’immenses domaines de trois et quatre mille hectares, sans parler des vingt-quatre mille hectares de bois arrachés à la France ruinée par la guerre ; et la tribu des Rothschild a accaparé, dit-on, des dizaines de mille hectares !

Et il y a plus de trois millions de travailleurs qui n’en possèdent pas un pouce !

À quand notre loi Licinia ?

Pendant que je posais ce point d’interrogation, là-haut sur les coteaux boisés reverdis, chantait le coucou, et je me remémorais le proverbe périgordin :

Entre martz e abriü,
Saubrez si lou coucu
Es mort ou viü.