Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/34

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toile. Comme il est courageux, l’homme persiste encore et, après une courte pose, se remet à l’œuvre. Il presse ses mouvements pour achever la fauchaison de son pré, et enfin, vers les onze heures, donne son dernier coup de « dail ». C’est l’heure du repas ; il se redresse péniblement, l’échine courbaturée malgré le bout de ficelle de fouet dont il s’est ceinturé sur la peau pour se garder des maux de reins — moyen infaillible selon d’aucuns — puis, sa faux sur l’épaule, il rentre à la maison. Ayant mangé sa soupe, fait un bon « chabrol » et pris sa pitance, il va dormir pendant que ses parsonniers, hommes et femmes, fourches et râteaux sur l’épaule, s’en vont épandre les andains et faner toutes ces diverses plantes fauchées qui vont se réduire en une seule chose, et se confondre dans la même appellation de : foin.

Arrivés au pré, chacun donne son estime sur le rendement ; mais il y a ceci de particulier dans cette évaluation, c’est que la satisfaction de tous, lorsque l’herbe abonde, qu’elle « fait du pilo », est un peu atténuée par un proverbe de mauvais augure pour les autres récoltes :

Annado de fe,
Annado de re !

Une autre chose est singulière aussi. Ce travail des fenaisons, fait en plein air, au milieu des senteurs des herbes coupées, qui paraît si sain, peut cependant causer une maladie spéciale, la « fièvre des foins », sorte de coryza aigu qui oblige les malades à quitter le travail, et même quelquefois le pays, à changer d’air pour se guérir d’une oppression terrible et persistante.