Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/43

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causés aux animaux ? Rien. Une poule, une oie, un cochon, une brebis écrasés, volontairement quelquefois, ne sont qu’un sujet de risée pour le riche malfaisant qui s’enfuit. On a vu de ces messieurs pousser l’insolence jusqu’à prendre des animaux pour cible de leurs balles et les tuer en passant !

Il faut convenir que les riches sont bien maladroits et bien imprudents. Au lieu d’user de leurs avantages avec modération, d’atténuer l’éclat de leur luxe, de le rendre moins odieux pour le pauvre, de se faire pardonner leur fortune quelquefois mal acquise, il semble qu’ils s’ingénient, particulièrement les automobilistes, à exaspérer le peuple par leurs insolentes provocations et leur mépris criminel pour la vie d’autrui. Parce qu’ils ont de l’or, ces messieurs se croient tout permis. Passe pour des animaux écrasés : le dommage pourrait se réparer si ces honnêtes gens ne s’empressaient généralement de disparaître après un accident, soit par dédain du croquant, soit par cette ladrerie qui trop souvent accompagne la richesse ; mais les vies humaines, froidement sacrifiées à leur plaisir de fous, qui peut les payer ?

Ce que pensent les paysans de ces oisifs qui, n’ayant rien à faire, sont si pressés d’aller, au grand dam des gens et des bêtes, il est aisé de l’imaginer. Aussi ne faudrait-il pas trop s’étonner si, insuffisamment protégés contre les folies irritantes des « gentlemen » chauffeurs, ils songeaient à se protéger eux-mêmes ; ni si, à la suite de quelque mortel accident, une foule exaspérée se faisait sommairement justice par ses mains…