Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/47

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trés comme lui et, les femmes, jambes nues, vêtues d’un méchant cotillon avec un madras de coton noué en fichu sur leur chemise de grosse toile à coulisse, montrent une figure hâlée sous de laides « pailloles ».

Le tableau n’est pas classiquement beau comme celui de Léopold Robert, mais il est plus vrai, et ne manque pas d’une certaine rude poésie du travail. Ces figures hâlées, ces bras « crâmés », ces poitrines brûlées, disent les longues journées sous un soleil implacable, dont chaque rayon, transperçant la toile de la chemise, pénètre la chair et fait comprendre l’exactitude de la vieille comparaison des flèches de Phébus-Apollon. Et puis, devant la grange, la charrette se plante et le bouvier, appuyé à sa « guilhado », attend. Les bœufs, immobiles, le « mouchail » sur les yeux, recouverts, en de certains cantons, d’une couverture de toile forte, sorte de chape raide, ont alors un aspect hiératique qui fait penser aux bœufs sacrés de l’antique Memphis.

Malgré l’introduction des machines à battre dans certaines contrées plainières du Périgord, on dépique encore beaucoup au fléau. Cet outil, au nom symbolique de grande calamité publique, est dur à manier, et fait des battaisons un travail aussi pénible que la moisson. Sur le « sol », où tombe un lourd soleil d’août, il faut manœuvrer rapidement et avec effort le fléau, en pliant et redressant activement les reins. Les malheureuses femmes sont attelées à cet effroyable labeur qui les écrase. Sur la paille engrainée, les verges des fléaux s’abattent l’une après l’autre par coups ca-