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Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/89

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Il pleut toujours. Le ciel bas semble une immense pomme d’arrosoir d’où s’échappe une pluie incessante qui assombrit l’air de hachures grises.

L’homme désœuvré, ennuyé, va à la grange, regarde les bœufs qui ruminent, leur donne une fourchée de regain, puis se plante sous la grande porte charretière, et, les deux mains dans les poches de son « sans-culotte », regarde d’un œil morne tomber l’eau.

Dans l’étable voisine, les brebis bêlent, tournées vers la porte qui ne s’ouvre pas, et, pour tromper leur impatience, s’en vont lécher une pierre salpêtreuse. Au milieu de la basse-cour, une cane barbotte dans le purin détrempé d’eau qui découle du fumier ; et, dans un tas de bruyère où il s’est creusé un trou, le « labri » dort couché en rond.

Fatigué de ne rien faire, l’homme revient à la maison où la mère rapetasse les méchantes hardes des droles qui s’ennuient de ne pouvoir aller galoper et se tarabustent pour se distraire. Lui, donne au besoin une buffe au plus noiseur, va s’asseoir sur un petit banc dans le « cantou » du foyer, reste là muet et songe. Quelles peuvent être les pensées de cet homme fruste et ignorant que la nécessité talonne, et dont le plus grand souci est d’affaner du pain pour la maisonnée ?

S’il n’a quelque dette qui le préoccupe exclusivement, son esprit s’éveille au spectacle des choses extérieures et tangibles. Cette pluie, si elle dure, fera peut-être du tort aux blés ? Oui, dans les terres fortes ; mais d’autre part elle noiera la vermine… Et puis, au point de vue de l’incommodité,