Aller au contenu

Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

inouï, insupportable. Le 4 mai 1789, l’évêque de Nancy, La Fare, prêchant à la cour, s’écriait : « C’est un peuple martyr à qui la vie ne semble avoir été laissée que pour le faire souffrir plus longtemps ! »

En Périgord, la disette factice créée par les spéculateurs, jointe à la disette réelle, suite du rude hiver de 1789, fit naître des troubles à Bourdeilles, à Sainte-Alvère, à Thenon et ailleurs. Les paysans soulevés arrêtaient les voitures des marchands accapareurs, et empêchaient quelquefois les enlèvements de grains. Puis, dans presque toutes les paroisses, ils plantèrent des mais où étaient suspendus, avec les girouettes des châteaux, des mesures à grains, des cribles, des radoires, en signe de protestation contre le régime qui réduisait le peuple à un aussi misérable état.

Avec quelques légères molestations contre certains nobles insolents et mal avisés, voilà toute la vengeance du pauvre paysan périgordin pour tant de longs siècles de misère et d’oppression !

Aujourd’hui, tout cela est oublié, les souffrances d’autrefois comme les vengeances bénignes. Il ne reste plus dans l’esprit populaire qu’une méfiance générale et un éloignement invincible pour les hommes et les choses qui représentent ces temps désolés. Le paysan qui possède un petit bien, est sûr, désormais, de « manger du pain en travaillant », comme il dit, et cela suffit à cet homme sobre et courageux. Voilà pourquoi il a confiance dans l’avenir, et voilà pourquoi il regarde, impassible, tomber la pluie d’hiver.

Mais après plusieurs jours mouillés, le vent tourne et la pluie cesse. À l’humide auster succède