Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/84

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saillants sous la peau, les yeux éteints. Ses cheveux grisonnants passaient raides sous un bonnet de coton bleu, et son corps décharné flottait dans des vêtements de bure en haillons, devenus trop larges : on eût dit un vieillard.

— Quel âge avez-vous ? interrogea le docteur.

— Trente-quatre ans à la Noël qui vient.

Daniel réprima un mouvement.

— Vous dites que ce n’est pas votre jour d’avoir les fièvres : comment les avez-vous ?

— Un jour entre autres : je les ai eues hier, je les aurai demain… Si vous pouviez me les couper ?… Vous êtes le fils du défunt médecin du Désert, n’est-ce pas ? Vous lui ressemblez… et puis je reconnais la jument…

— Je vous les couperai bien, mon pauvre, mais elles reviendront toujours… Et ce sera ainsi tant que vous n’aurez pas détruit ce qui vous les donne.

— Et qu’est-ce donc qui les donne ?

— Venez jusque derrière votre maison : je vais vous le montrer.

À cent pas, dans un pli de terrain, un étang, sous le soleil, brillait de reflets métalliques, sortant de nauves marécageuses qui venaient jusque tout près de la maison.

— C’est cet étang qui vous empoisonne ! fit le docteur en étendant le bras, vous autres et tout le bourg, sans doute : vos voisins ont aussi les fièvres, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Et chez le curé ?

— La servante les a et le valet aussi : il n’y a que le curé qui ne les ait pas.

— Combien avez-vous eu d’enfants ?