Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/17

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jamais dans la lampe du sanctuaire ; les burettes d’étain brillaient sur la crédence, et l’autel était toujours orné de fleurs de la saison. Le curé, lui, remplissait exactement tous ses devoirs, et il le faisait avec une exemplaire piété. Depuis qu’il avait charge d’âmes, il avait pris un air grave, comme celui qui sent tout le poids de la terrible responsabilité qui pesait sur sa tête.

Il n’imitait pas la plupart de ses confrères qui chassaient, jouaient aux dés, godaillaient entre eux avec leurs prêtresses, et expédiaient leur messe dans un petit quart d’heure en avalant la moitié des paroles liturgiques. C’était vraiment une chose édifiante que de le voir officier, pieux et recueilli, tandis que la sacristine le servait les yeux baissés, modeste, sérieuse, et montait les marches de l’autel ou glissait légèrement sur les dalles, comme un ange du paradis.

Dans la semaine, peu de gens étaient édifiés ; il n’y avait jamais à l’église qu’un vieux stropiat, otieux par force, qui prenait plaisir à voir la gentille Nicolette servir la messe. Mais le dimanche, tous les paroissiens étaient là, et se complaisaient à entendre messe et vêpres dites avec tant de ferveur pieuse et de religieuse dignité. Le curé avait une voix vibrante et profonde, et c’était une agréable chose que de l’ouïr chanter les versets des vêpres, alternant avec la voix douce et suave de Nicolette. La pauvrette ne savait lire, et il lui avait fallu apprendre par cœur tous les répons des offices. Elle écorchait bien parfois les mots latins, mais les bonnes gens présents n’avaient garde de s’en apercevoir.

Les prônes de Guynefort étaient simples, mais bien appropriés à l’intellectualité de ses ouailles. L’excellent homme pour se faire tout à tous, selon le précepte de l’Apôtre, prêchait en patois, nul de ses paroissiens, sauf ceux de