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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/21

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curé Guynefort, excitaient la jalousie des autres curés d’alentour. Le vicaire perpétuel de Nailhac, son proche voisin, exerçait fréquemment sa verve malicieuse aux dépens de son confrère, et daubait sur la gentille Nicolette, détestée des prêtresses ses consœurs pour la plupart un peu rances. Mais le plus enragé de ces capelans, c’était le prieur de Saint-Agnan, petit homme roux, bilieux, méchant et avare, qui considérait les libéralités du châtelain seigneur justicier de sa paroisse, faites à Guynefort, comme un vol fait à lui-même, et, pour ce, le vitupérait en toute occasion.

L’excellent curé laissait dire, continuait à édifier ses paroissiens, et parfois confondait ses détracteurs.

Un jour de calendes, il dînait chez son confrère de Bonneguise en compagnie d’autres curés dont était le prieur de Saint-Agnan, qui criblait son pauvre confrère des flèches barbelées de ses épigrammes, comme archer tirant sur beau noyer grollier.

Guynefort se contenait, et se bornait à répondre modestement lorsque ces attaques étaient par trop vives. Cette modération loin de calmer le fougueux prieur l’excitait fort, d’autant qu’il avait quelque peu abusé des burettes, au point de se trouver un pied au moins dans les vignes du Seigneur.

— Tenez saint homme ! — dit-il exaspéré à Guynefort, — voici une mouche morte, noyée en ce vase ; ce n’est qu’une bestiole infime, que ne la ressuscitez-vous ?

— Il n’est pas plus aisé de rappeler la vie en un ciron qu’en un caméléopard, — répondit doucement Guynefort ; — toutefois avec l’aide de Dieu j’essaierai.

Là-dessus, tous les curés s’esclaffèrent et trin-