Aller au contenu

Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


La Damnation de Saint Guynefort



(Suite)



Cette ressuscitation, bientôt connue dans tout le pays, augmenta singulièrement la réputation de vertu de Guynefort. Mais pour cela, l’envie jalouse ne désarma point, en sorte que le pauvre curé fut peu après en grand accessoire à l’officialité de Périgueux, où il avait été dénoncé par le prieur de Saint-Agnan, comme sorcier et magicien. Il y en avait plus là qu’il ne fallait pour le faire rôtir à petit feu. Heureusement, le révérend dom Glenadel chargé de l’enquête par monsieur l’official, réussit à éloigner le fagot des chausses du bon curé.

Lui, supportait tout doucement les tracasseries et les persécutions. Pourtant quelquefois la patience lui échappait comme il est arrivé à de grands saints, témoin Simon Barjone, déjà nommé, qui d’un coup de son grand braquemart, coupa l’oreille droite d’un serviteur du grand-prêtre, appelé Malchus, lequel a donné son nom à ces forts coutelas dont on se servait jadis, et aussi à d’anciens confessionnaux n’ayant qu’une seule oreille, qui est à dire, un seul guichet.

Le bon Guynefort, de mœurs plus douces que saint Pierre, n’essorilla pas le prieur, il se contenta de lui secouer les puces un peu fort. Un jour qu’il revenait de Tourtoirac où il avait été remercier dom Glenadel du bon office qu’il lui avait rendu, il rencontra précisément son homme dans le vieux chemin qui descend au nord de la colline d’Hautefort, allant vers Saint-Agnan. Il était entre chien et loup ; personne aux alentours. Guynefort commença par colaphiser son dénonciateur sur les deux joues ; puis le saisissant d’une main par le collet de sa soutanelle, et de l’autre par le fond des chausses, il l’envoya par dessus la haie, la tête la première, les jambes rebindaines, dans un roncier, et continua son chemin, le laissant se dépêtrer comme il put.

En arrivant chez lui, le curé trouva un bon homme de l’Haubertie qui l’attendait au coin du feu, — dans « la queyrio » comme on dit au pays, —