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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/28

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rayonnait à quelques lieues de là. Des pays de Génis, Saint-Robert, Villac, Condat, Azerat, Sainte-Yolée, Saint-Médard, Anlhiac, les vilains et serfs attachés à la glèbe, venaient, pleins de foi, apporter leurs enfants au bon curé qui les plongeait dans l’eau bienfaisante en disant un court oremus, ou bien encore, lui commander, — en payant cela s’entend, — une messe pour la prospérité de leur maisonnée.

Le jour de la Saint-Pierre, il y avait une telle foule de gens venus baiser la sainte maille, que dans les chemins, cafourches ou carrefours et vergers autour du village, c’était comme une foire : des tentes étaient dressées partout pour donner la pitance aux pèlerins et les abreuver. En ce jour béni, les habitants vendaient à pot et à pinte leur petit vin reginglet, heureux de s’en défaire à bon prix avant qu’il ne se rebouillît.

Ce jour là qui enrichissait La Noaillette, faisait aussi les affaires du curé. Rien que le salaire des messes demandées suffisait à le nourrir toute l’année avec Nicolette, et lui permettait par surcroît de se montrer largement hospitalier avec quiconque venait à la cure. Et puis les bonnes femmes de mères dont les enfants avaient été guéris par Guynefort, ne se montraient pas ingrates, et lui faisaient de champêtres présents. Il recevait tant de poulaille à cette occasion, qu’il l’envoyait vendre le jeudi d’après au marché d’Excideuil, ce qui avilissait les prix sur la place des Cordeliers ce jour-là.

Dans la paroisse, il n’y avait qu’un cri : quel saint homme ! si pieux, si charitable, si miséricordieux, si austère ! qui se fouette trois fois la semaine comme s’il en avait besoin ! et qui, chose unique dans la chrétienté, ne demande pas un denier à ses ouailles !

Cela avait commencé par une réputation de « jovence », c’est-à-dire que l’en avait fiance