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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/29

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qu’il « portait bonheur ». Les voisins étaient heureux de le rencontrer en partant pour la foire, persuadés qu’ils vendraient bien leur cochon. Tout le monde avait remarqué aussi que depuis qu’il faisait les processions des Rogations, il n’avait pas grélé dans la paroisse ; et encore, que tous les épousés dont il avait béni le lit, selon l’usage, avaient procréé comme dans les contes de fées, ou comme dans la garenne à lapins de Joffrenie.

Aussi, le dimanche, les femmes se mettaient le plus possible sur son passage lorsqu’il entrait à l’église, afin d’être effleurées par sa robe, et ainsi bénéficier de sa « jovence ». Ensuite, comme — à La Noaillette ! — elles étaient un petit indiscrètes, elles en vinrent à toucher son surplis lorsqu’il officiait, ou son bréviaire manuscrit oublié sur la balustrade du chœur. Puis sa réputation de sainteté grandissant toujours, elles avaient fini par lui couper quelques rognures de son vêtement, et lui chicoter son bâton d’épine.

La femme du juge seigneurial d’Hautefort qui était une hardie commère, avait même osé un jour qu’il était en oraison, lui couper une boucle de ses cheveux noirs mêlés de quelques fils blancs. Le bon curé avait fait le semblant de ne pas s’en apercevoir, pour ne pas être obligé de se fâcher, mais depuis, il se couvrait la tête d’une aumusse, afin de se mettre à l’abri de ces pieux larcins.

Dans La Noaillette et les pays circonvoisins, tous donc étaient unanimes à célébrer les vertus du curé Guynefort. Ses confrères d’alentour, quoique jaloux, avaient désarmé devant l’universelle vénération des fidèles, et nulle voix discordante ne s’élevait pour protester.