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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/34

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beaucoup de curés de son temps, il n’en savait mot.

Ainsi fut canonisé sommairement comme tant d’autres saints de village, sans paperasses, sans débats, sans opposition ni avocat du diable, à l’unanimité des ouailles, le bon curé Guynefort. En ce temps-là les gens quoique bêtes un petit, ne l’étaient pas au point de donner des sommes folles pour faire inscrire un brave homme dans les almanachs nouveaux. Où diable les bonnes âmes de La Noaillette auraient-elles pris les soixante-dix mille écus romains, — environ trois cent cinquante mille francs, vous entendez ! — qu’a coûtés la canonisation de Saint-François-de-Paule ? ou seulement les centaines de mille francs payés de notre temps au signor apostole de Rome, Mastaï, et à ses prédécesseurs pour celle de Labre le pouilleux ? Toute la paroisse ne les valait pas !

Après les aspersions et les encensements rituels, le cercueil du défunt curé fut descendu dans une fosse creusée contre le mur intérieur de l’église, juste à l’endroit où avait été trouvé son bâton d’épine fleuri. Sur la lame qui recouvrit le tombeau, les paroissiens firent incontinent ériger un autel en son honneur, et ajoutèrent désormais aux litanies des saints cette invocation glorieuse :

Saint Guynefort
Pour la vie et la mort !

(À suivre.) Eugène LE ROY.