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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/9

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D’abord ils pensèrent à l’acheter ; mais, sans point de doute, le clerc Guynefort ne s’en dessaisirait qu’à un haut prix, que de petits hobereaux comme eux ne pouvaient payer. Dès lors, pourquoi ne pas la lui voler ? En ces temps de foi ardente, on ne reculait pas devant un larcin de ce genre que l’intention sanctifiait. L’histoire du suaire de Cadouin tant de fois volé et revolé, est là pour l’attester.

Mais, au premier abord, la chose ne paraissait pas facile, ni même au second. Le pèlerin était toujours exactement aiguilleté, et son troc ne le quittait jamais, non pas même la nuit, car il couchait vêtu pour mortifier son corps. Ainsi qu’il le disait humblement, il ne se dépouillait qu’un instant pour se donner la discipline.

La difficulté de dérober à Guynefort sa précieuse relique, fit naître dans l’esprit de la damoiselle Sybille un projet plus honnête.

— Que comptez-vous faire de la sainte maille ? — demanda-t-elle un jour au pèlerin en déjeunant.

— S’il plaît à Dieu, je la déposerai en l’église de ma paroisse native, où elle fera des miracles sans point de doute.

— Et d’où êtes-vous ? si je ne suis pas trop curieux, — demanda l’écuyer.

— Du pays d’Auvergne et de l’évêché de Saint-Flour, — répondit imprécisément Guynefort.

— Votre projet est pieux et grandement louable, — reprit la damoiselle Sybille ; — pourtant, considérez que la paroisse où fûtes baptisé est pourvue d’un curé, ou d’un prieur, ou d’un prévôt, en sorte que votre donation faite, tous les avantages temporels que procurera la relique à ladite paroisse, redonderont au profit d’un autre…