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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/157

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et étouffée comme s’il eût eu la bouche dans une bonde de barrique vide.

De cette affaire le pauvre Tuénou s’était trouvé mal, et lorsqu’il était revenu à lui, tout avait disparu.

Tout ça, ce n’était pas des menteries, on pouvait demander à Tuénou. D’ailleurs, cette cafourche du Cimetière-des-Boucs était connue depuis les temps anciens, pour être hantée par le Diable. Jeantillou, le tisserand de Saint-Sulpice, l’y avait rencontré sous la forme d’un grand bouc noir.

Ceux qui n’y croyaient pas n’avaient qu’à essayer d’ailleurs. Ils n’avaient qu’à aller à cette croisée des chemins et appeler neuf fois : Robert ! Mais rien que cette idée faisait frissonner tout le monde. Gustou assurait que c’était à cet endroit-là même que le vieux Baspeyras de la Raymondie, mort l’année passée, avait eu du Diable, la Mandragoro qui l’avait enrichi, tellement qu’il avait laissé à ses enfants un grand pot plein de louis. Il était allé à la cafourche sans se retourner, une poule noire sous le bras, et sur le coup de minuit, il avait crié trois fois : Poule noire à vendre ! Le Diable était venu coup sec, sous la forme d’un homme noir avec des cornes et des pieds fourchus et avait cherché à lui faire peur ; mais Baspeyras qui n’avait pas froid aux yeux, avait fait ses conditions, et il avait eu la Mandragoro.

— Ah ça, dit Lajarthe, tu crois toutes ces histoires-là, Gustou ?

— Sans doute que je les crois : d’ailleurs ça n’est pas d’aujourd’hui seulement que ça se passe, n’est-ce pas ? Du temps que j’étais petit, ma grand’mère m’en racontait de pareilles ; mais toi, Lajarthe, tu ne crois à rien.

— Pour ça, dit le métayer de Puygolfier, on ne peut pas dire que le Diable n’existe pas, ni qu’on ne le voit pas paraître. Tous nos anciens ont ouï dire et