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VII


Le premier jour de l’année 1852 fut triste à la maison. Ailleurs, dans la commune et partout on se réjouissait. Il semblait à tous ces pauvres gens épeurés par les arrestations, par le récit des fusillades et des transportations, et menés par les maires et les curés, que Bonaparte dût les rendre tous riches et heureux. Les gens qui ne sont pas à leur aise sont comme les malades, ça les soulage de changer de position ; mais ça n’est jamais pour longtemps. Que de gens se figuraient bonnement que c’était eux qui avaient gagné à ce changement, tandis qu’ils n’avaient fait que changer de misère. En attendant de s’apercevoir de ça, ils étaient contents d’être dans le parti le plus fort, de faire partie des sept millions quatre cent et tant de mille, qui avaient voté Oui.

Comme bien on pense, tout était changé chez nous ; M. Lacaud étant revenu à la mairie comme je l’ai dit, le pauvre Migot n’était plus rien, ce qui lui doulait fort, car il avait pris goût à l’écharpe. Quant à mon oncle, il ne s’occupait plus de politique, et même il ne sortait guère de chez nous, dans les premiers temps qu’il fut revenu, histoire de fuir les occasions.