Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/277

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Il y avait, à cette manière de faire, deux bonnes raisons : d’abord ça n’aurait servi de rien, et ensuite M. Masfrangeas s’était engagé en son nom ; la moindre chose lui aurait fait des affaires à la Préfecture. Ça lui coûtait bien tout de même à mon oncle, car il était de ceux qui ne se rendent que morts ; mais il avait trop d’obligations à son ami, pour ne pas éviter tout ce qui aurait pu le compromettre. C’était donc le mieux, pour lui, de rester tranquille quelque temps, pour laisser passer le fort de la bourrasque. Les gens ne nous voulaient point mal, de n’être pas de leur avis, mais avec ça, ils n’aimaient pas trop nous parler longtemps, dans les foires où les marchés, de crainte qu’on crût qu’ils étaient de notre bord. Mais il y avait aussi quelques mauvaises canailles, qui tâchaient de se venger de ce que mon oncle les avait empêchés de finir de dévorer ce qui restait à Puygolfier. Le plus enragé était ce méchant goujat de Laguyonias, qui disait partout que c’était malheureux de voir des scélérats, comme mon oncle, libres chez eux, tandis qu’ils devraient être à casser des pierres en Afrique. Mais, comme au fond cet individu était méprisé de tout le monde, ses clabauderies ne faisaient aucun effet.

Mon oncle restait donc chez nous, et c’était moi qui faisais les affaires du dehors, à Excideuil et ailleurs. Ma femme avait beaucoup d’idées, pour des arrangements qui rendaient le Frau plus plaisant, et c’était mon oncle qui les faisait. Quand la saison fut venue, au mois de février, il arrangea le chemin qui de notre jardin allait à la fontaine, et en fit une jolie allée qu’il planta de pommiers et de pruniers. La vieille fontaine aussi fut réparée, et autour du gros fraisse qui lui faisait de l’ombre, il fit un banc de pierre, où il faisait bon se reposer par les temps de chaleur. Après ça, le jardin fut soigné et bien arrangé ; ses allées furent alignées et sablées, avec de