Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/227

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la cause, mais d’une manière générale on l’ignorait.

C’était la Creyssieux qui éloignait les prétendants avec ses lettres anonymes. Outre sa méchanceté native, un sentiment de jalousie féroce la poussait dans ces occasions, car elle ne pouvait supporter l’idée que les demoiselles du bourg se mariassent avant sa grosse dinde de fille. Aussitôt qu’un jeune homme se présentait dans une maison, la veuve, renseignée par son frère, lui adressait une lettre pour le prévenir charitablement, et lui montrer dans quel guêpier il se fourrait.

En ce qui concernait les demoiselles Bourdal, l’anonyme écrivait que leur mère était morte « de la poitrine » ; la petite Monturel avait la « danse de Saint-Guy » ; quant aux demoiselles Caumont, l’aînée était un peu beaucoup « sur l’œil » et la seconde avait des « humeurs froides » à une jambe. D’autres avaient des amants ; celle-ci avait eu recours à la sage-femme Zoé… ainsi de suite. Cette scélérate avait une habileté dans la calomnie qui rendait ses mensonges difficiles à détruire et ses allégations impossibles à vérifier : comment s’assurer, par exemple, que la plus jeune des demoiselles Caumont n’avait pas de plaies scrofuleuses à la jambe ?

Cette digne sœur de Guérapin n’était pas la seule à se livrer à ces odieuses manœuvres ; madame Desguilhem pratiquait aussi ces gentillesses épistolaires pour venger son fils l’huissier, qui avait été succes-