Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/17

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— Tiens ! on dirait la Tanbelle : est-ce que ce brave Second serait par là ? »

Et allant à une fenêtre du côté de la cour, il appela :

— Hé ! Damase ?

Un garçon d’une quinzaine d’années, à la chevelure ébouriffée, sortit à cet appel.

— Tu n’as pas laissé sortir les chiens ?

— Non pas, notre monsieur.

« C’est bien la Tanbelle », se dit M. de La Ralphie en souriant comme un homme qui médite une bonne plaisanterie ; et, laissant là son rasoir, il alla vivement achever de s’habiller. Un quart d’heure après, il descendit, décrocha son fusil, son carnier, et s’en alla vers les coteaux d’un pas rapide.

Arrivé sur le chemin de la Pouge, il s’arrêta. Maintenant, les voix des deux chiens montaient au loin d’une combe boisée ; l’une pleine, sonore, prolongée, l’autre cognant furieusement. Ayant écouté un moment, M. de La Ralphie prit à travers les terres et les bois, et, un moment après, fut rendu à la « Croix-du-Sartre ». Cette croix était située à un carrefour mal famé où cinq chemins se réunissaient. Une vieille légende disait qu’un tailleur de campagne, ayant : blasphémé Dieu, avait eu le col tordu par le diable et était enterré là. On n’expliquait pas pourquoi le diable s’était chargé de punir le contempteur de son antique ennemi, mais enfin le nom de la croix venait de ce malheureux, car Sartre veut dire tailleur dans le vieux patois du pays. M. de La Ralphie se posta au pied de la croix de pierre, effritée, moussue, et attendit.

Une demi-heure après il vit à trois ou quatre portées de fusil, le lièvre de chasse venir sans se presser, en rusant pour mettre les chiens en défaut. Il passait dans le terrain pierreux, entrecroisait ses voies, sautait