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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/280

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qu’elle-même eût quelques traits de ressemblance avec ce portrait. Elle croyait se reconnaître dans ces lèvres charnues et rouges, dans ces grands yeux bleus pleins de feu qui accusaient une nature puissante et sensuelle.

« Pourquoi est-elle restée fille ? » se demandait Valérie.

Et alors, elle se rappelait cette vieille tête qu’elle avait vue là sur l’oreiller, toute desséchée, avec deux trous noirs au-dessus de la bouche sans lèvres et une peau jaune et parcheminée qui semblait collée sur les os de la face.

« Un jour, je serai ainsi », pensa-t-elle.

Le crépuscule tombait lorsqu’elle descendit. Dans la cour était le puits à la margelle carrée, avec un ingénieux appareil de puisage autrefois assez connu en Périgord. Une longue pièce de bois était équilibrée au moyen d’une cheville de fer, entre les deux branches d’un poteau fourchu planté à quelques pas du puits. À l’extrémité inférieure de cette pièce de bois était attachée une lourde pierre percée qui pendait vers le sol. À l’autre bout, qui au repos, pointait obliquement vers le ciel, était fixée par un anneau une grande perche terminée à sa partie inférieure par une chaîne et un crochet à ressort qui pendaient sur la margelle. La Géraude vint, accrocha le seau, tira la perche qui le descendit dans le puits, et, lorsqu’il fut plein, laissa faire l’appareil qui, instantanément, le remonta seul, par l’effet du contrepoids.

Pendant que le « bac », c’est-à-dire l’auge de pierre se remplissait, Valérie amena « Kébir » pour l’abreuver. Puis, la grande fille monta au grenier et rapporta dans son tablier de la « civade », comme elle disait, c’est-à-dire de l’avoine, qu’elle mit dans la mangeoire.