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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/51

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talgie de la maison natale ; elle aurait voulu retourner à Guersac revoir toutes ces choses familières qu’elle connaissait depuis sa première enfance. Quelquefois, au milieu d’une leçon, elle s’arrêtait songeuse et sa pensée s’envolait vers le petit castel de famille où elle avait vécu douze ans comme une petite reine, adorée et obéie. Les épisodes marquants de son existence d’enfant lui revenaient, à la mémoire : elle pensait au chien enragé, à sa corneille ; elle eût voulu être là-bas et recommencer, avec son page rustique, ses allées et venues sur le chemin du Prieuré.

La supérieure l’ayant confessée pour amortir un peu son chagrin, fit dire à M. de La Ralphie d’envoyer la corneille.

Damase vint le dimanche suivant et apporta l’oiseau dans une cage en bois, confectionnée par lui-même. Lorsque, descendue, Valérie le vit, son existence enfantine se dressa devant elle, et, tout émue, la petite se souvint du Pas-du-Chevalier et il lui sembla qu’elle était là-bas, sous les rochers, au bord de l’eau, et que Damase, à genoux, lui embrassait les mains en disant :

— Oh ! demoiselle ! demoiselle !

Après beaucoup de questions sur ce qui se passait à Guersac et des recommandations infinies à Damase au sujet de ses fleurs, de ses tourterelles, de sa bourrique, de ses cochons d’Inde, le garçon, congédié par la supérieure, s’en fut tout triste de laisser sa jeune demoiselle entre ces grands murs noirs et d’être loin d’elle.

Au lieu de calmer les regrets de Valérie, la venue de Damase les augmenta. Le soir, dans son petit lit blanc, elle pensait à Guersac, à son père, qui l’idolâtrait, à sa vie libre au grand air, au dévouement de Damase, à son attention à prévenir ses moindres désirs, à satisfaire tous ses caprices. Là-bas, elle était souveraine et