Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/43

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les Dubouret sont les plus riches du village. Tout de même, ils ne sont pas bien vus des autres. Lorsqu’on parle de leur maison ou de leur famille, on dit : « chez le boucatier ». La raison de ce « saffre », ou sobriquet, c’est qu’ils tiennent le bouc auquel on mène les chèvres de par là. Les paysans ont quelque répugnance d’eux à cause de ça, parce que le bouc est une bête du démon. Dès les temps anciens, il est au su de chacun et de tous que c’est sous cette forme du velu que le diable se montre aux personnes qui ont de bons yeux. Et puis, quoique ça ne soit que des bêtes, il y a là une sorte de maquignonnage qui semble vilain à ces bonnes gens de campagne.

Mais depuis déjà six-vingts ans que les Dubouret sont « boucatiers » de père en fils, ils ont tant ramassé de pièces de dix sous par bique amenée, qu’ils ont bien vaillant aujourd’hui, peut-être sept ou huit mille livres, et, vous comprenez, quoiqu’on ne les voie pas d’un bon œil, les voisins ne le donnent pas à connaître… Bigre ! Des gens qui ont de quoi !