considérer tous les membres d’une famille comme des électeurs de premier degré. Il serait encore plus exact de dire qu’en Chine l’unité politique est la famille, agissant par son mandataire naturel. Il peut arriver que ce mandataire soit une femme. Ce représentant, ou mieux encore, ce coefficient algébrique du groupe familial est bien réellement un citoyen et répond correctement à la conception chinoise. Si l’on veut bien se rappeler l’organisation de la famille et de la propriété, on verra qu’en effet l’union de l’homme et du sol n’est nulle part plus complète, plus solide et plus générale ; que nulle part elle n’assure au citoyen une plus réelle indépendance et une plus grande liberté. Une autre chose est encore à considérer dans l’élément politique chinois tel qu’il vient d’être défini : c’est que ce n’est pas une pure unité simple et abstraite, mais un être complet pourvu de tous ses organes, religieux, judiciaire et civil ; capable, en un mot, de se reproduire partout où il se trouve et de reconstituer l’État. « Une famille, disent les Chinois, doit être un petit État. » Il est impossible de pousser l’autonomie plus loin. Ils y sont tellement habitués, que dans les pays étrangers où, émigrés, ils n’ont entre eux aucune relation de sang, leur premier soin est de se constituer en famille artificielle, en fraternité comme ils disent, dont le conseil élu remplit toutes les fonctions de la famille naturelle et reçoit leur serment de s’y soumettre. Les lois et les coutumes chinoises dont ce conseil continue à s’inspirer sont cependant bien plus
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