Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/289

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de temps et les besoins étaient de chaque jour. Ce n’est pas la subsistance qui inquiétait ; nous l’avions chez nous: mais dans une famille nombreuse il y a bien d’autres nécessités. On parla de me faire renoncer à mes études, et je dois avouer que l’on eût tout aussi bien fait. Pour mon père, la situation était en effet plus lourde que pour mes oncles. Les uns avaient moins d’enfants que lui ; les autres trouvaient dans les leurs plus de concours. Mon père n’avait pas d’autre aide que mon frère aîné, et sa quote-part dans le salaire des domestiques était d’autant plus forte. Cela n’a l’air de rien ; mais, encore une fois, cela s’ajoutait à mille autres choses. Pourtant, chaque fois qu’il s’agissait des dépenses communes entre mon père et ses frères, ma mère ne disait rien, car nous eussions tous mieux aimé mourir que de perdre la face en nous faisant tirer l’oreille ; mais pour le reste, c’étaient des lamentations sans fin quand elle était obligée de sortir des sapèques de son coffre. Je n’y peux penser sans sourire à présent, et je me dis qu’après tout nous aurions pu être bien plus malheureux et que notre misère aurait pu durer plus longtemps. Supposez que nous eussions été isolés. Pas moyen d’avoir un buffle pour nous seuls, puisque nous n’en avions que deux pour cinq ménages. Et alors, quoi ? Ainsi du reste. Et puis, nos voisins étaient nos parents. Moralement, nous étions aussi unis que si nous n’avions pas cessé d’habiter sous le même toit. C’est quelque chose de se sentir soutenus. Sans doute, dis-,