Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/234

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LE CHŒUR.

Ce jour a été le commencement de maux sans nombre pour la demeure d’Oidipous. Plaise aux Dieux que la vie lui soit désormais plus propice !

KRÉÔN.

Mettez fin aux lamentations. Il est temps de songer à la sépulture. Toi, Oidipous, écoute ceci : ton fils Étéoklès m’a donné le commandement de cette terre, comme une dot à Haimôn, fiancé de ta fille Antigonè. Je ne te permettrai donc plus d’habiter cette terre, car Teirésias a dit clairement que cette ville ne serait jamais heureuse tant que tu habiterais ce pays. Va donc ! Je ne te dis point cela comme un outrage, et je ne suis point ton ennemi, mais je crains que ton Daimôn ne porte malheur à cette terre.

OIDIPOUS.

Ô Destinée ! Dès le commencement tu m’as fait misérable et malheureux. Avant même que je fusse né au jour hors du sein de ma mère, Apollôn prophétisa à Laios que je serais le meurtrier de mon père. Ô malheureux ! à peine né, le père qui m’avait engendré ordonne que je sois tué, certain que je suis son ennemi, car il était fatal qu’il pérît par moi. Il me livre comme une misérable proie aux bêtes sauvages, moi qui désirais les mamelles de ma mère. Je suis sauvé. Plaise aux Dieux que le Kithairôn s’engloutisse dans les gouffres profonds du Tartaros, lui qui ne m’a point fait périr ! Le Daimôn me livre en esclave à Polybos. Et, après avoir tué mon père, malheureux que je suis, j’entre dans le lit de ma malheureuse mère, j’engendre des fils qui sont mes frères, et je les perds en leur