Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/363

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Quel double deuil, envoyé par les Dieux, est tombé sur ces demeures !

HIPPOLYTOS.

Hélas ! hélas ! malheureux, je suis déchiré par l’injuste sentence d’un père injuste. Je meurs ! hélas sur moi ! Les douleurs roulent dans ma tête, la convulsion bondit dans mon cerveau. Laissez ! Que mon corps brisé se repose un instant. Ah ! hélas ! ô attelage odieux des chevaux que ma main a nourris, tu m’as perdu, tu m’as tué ! Hélas, hélas ! serviteurs, touchez doucement de vos mains mon corps déchiré. Qui est là, à ma droite ? Soulevez-moi doucement, portez sans secousse un malheureux frappé de l’injuste exécration de son père ! Zeus, Zeus ! vois-tu cela ? Moi, chaste et respectant les Dieux, moi qui, par ma pureté, l’emportais sur tous, je perds la vie, je vais dans le Hadès, sous la terre ! En vain ai-je rempli tous les devoirs de la vertu envers les hommes. Ah ! hélas ! voici que la douleur m’envahit. Laissez-moi, laissez un malheureux, et que la mort me guérisse ! Tuez-moi, tuez un malheureux ! Je veux une épée à deux tranchants pour me trancher, et afin que j’endorme ma vie ! Ô lamentable imprécation de mon père ! Les actions criminelles et sanglantes de mes aïeux antiques s’appesantissent toutes sur moi. Et pourquoi ? puisque je n’en suis nullement coupable ! Hélas ! Que dirai-je ? Comment affranchirai-je ma vie de cette affreuse douleur ? Puisse la noire et nocturne nécessité du Hadès endormir ma misère !

ARTÉMIS.

Ô malheureux ! à quelle calamité es-tu enchaîné ! Ta grandeur d’âme t’a perdu.