Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/101

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est honteux pour nous, en effet, funeste autant que honteux, étant donnée l’occasion divine d’agir, de laisser fuir sans combat des ennemis qui nous ont accablés de maux sans nombre.

AINÉIAS.

Plût aux Dieux que tu fusses aussi prudent que prompt à l’action ! Mais tout n’est pas accordé au même mortel. Il t’appartient de combattre, et aux autres de former de sages desseins. À peine averti de ces feux allumés, tu espères que les Akhaiens vont fuir, et tu veux mener l’armée en avant et passer les fossés au milieu de la terreur de la nuit ? Cependant, ayant franchi la creuse profondeur des fossés, si tu ne trouves pas l’ennemi fuyant la terre, mais debout devant ta lance, tu seras vaincu et ne rentreras pas dans la Ville. Comment, en effet, refranchiras-tu les palissades dans la fuite de l’armée ? Comment les conducteurs des chars passeront-ils les ponts sans rompre les moyeux des roues ? Même vainqueur, tu rencontreras le fils de Pèleus, prêt au combat, qui ne te permettra pas de jeter la flamme sur les nefs, ni, comme tu le penses, de massacrer les Akhaiens, car c’est un homme terrible et haut comme une tour. C’est pourquoi laissons l’armée dormir tranquille auprès de ses armes, et se reposer de ses fatigues guerrières. Je pense qu’il faut envoyer vers l’ennemi un espion de bonne volonté. S’ils fuient, nous nous jetterons sur les Argiens ; s’ils ont allumé ces feux pour quelque ruse, nous le saurons par l’espion, et nous nous consulterons. Telle est ma pensée, ô Roi !