Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aurait point de lamentations funéraires. Mais, te taisant et souffrant ton mal d’un cœur ferme, tu ne laisseras point ce cadavre non enseveli, et les Akhaiens te seront plus doux à toi-même.

ANDROMAKHÈ.

Ô très cher, ô mon fils bien aimé, tu vas mourir de la main de nos ennemis, et abandonner ta malheureuse mère ! C’est la bonne race de ton père qui te tue, elle fait le salut des autres ! La vertu de ton père ne t’a pas été opportune. Ô malheureux lit, ô noces pour lesquelles je vins autrefois dans la demeure de Hektôr, non pour enfanter une victime des Danaens, mais un maître pour la fertile Asia ! Ô enfant, tu pleures ? Sens-tu tes maux ? Pourquoi me saisis-tu de tes mains et retiens-tu mon péplos, et, comme un petit poussin, te caches-tu sous mes ailes ? Hektôr, brandissant son illustre lance, ne sortira pas de dessous terre, et ne reviendra pas à la lumière pour te sauver. Ni les parents de ton père, ni la force phrygienne ne te secoureront non plus ; mais tombant d’en haut sur la tête, dans une affreuse chute, tu rendras l’esprit ! Ô tendre fardeau de mes bras, bien aimé de ta mère, ô douce haleine de ma vie, c’est donc en vain que cette mamelle t’a nourri dans tes langes, que j’ai tant souffert, et que je me suis consumée de tant de peines ! Maintenant, et jamais plus, embrasse ta mère, serre-toi contre ta mère, entoure mon cou de tes bras, et baise ma bouche ! Ô Hellènes, qui méditez ces actions barbares, pourquoi tuez-vous cet enfant innocent de toute faute ? Ô race Tyndaréienne, tu n’as jamais été la fille de Zeus ! mais je dis que tu es née d’Alastôr, de Phthonos, de Pho-