Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/583

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ORESTÈS.

Hélas sur moi ! qu’as-tu dit ? car le sentiment des maux d’autrui mord les hommes. Mais parle, afin, qu’ayant été instruit, je rapporte à ton frère cette nouvelle douloureuse, et qu’il lui faut entendre. La compassion est propre, non aux natures grossières, mais aux hommes sages ; mais trop de sagesse aussi n’est pas sans danger pour les sages.

LE CHŒUR.

Et moi aussi, j’ai dans l’âme le même désir que celui-ci. Habitant loin de la Ville, je ne sais pas les maux qui y sont ; mais, maintenant, je désire les connaître.

ÈLEKTRA.

Je parlerai, si cela est convenable, car il sied de confier à un ami mes malheurs et ceux de mon père. Puisque tu souhaites ce récit, je te supplie, Étranger, de rapporter à Orestès mes maux et ceux de mon père, et, avant tout, de quels vêtements sordides je suis couverte, de quelle saleté je suis chargée, et sous quel toit j’habite, moi, issue de race royale ! J’ai tissu moi-même péniblement mon péplos, sans quoi je serais nue et manquerais de vêtements ; et je porte moi-même l’eau du fleuve, je suis privée des fêtes sacrées et des danses, je fuis le commerce des femmes, étant vierge encore, et Kastôr aussi qui était de mon sang, et à qui mes parents m’avaient fiancée avant qu’il fût allé vers les Dieux. Et ma mère, au milieu des dépouilles Phrygiennes, est assise sur le thrône ; et, auprès d’elle, se tiennent les esclaves Asiatiques, prises et amenées par mon père, et couvertes de manteaux Idaiens aux agrafes d’or. Et le sang noir de mon père