Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/638

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dans le combat des enfants de Gaia, quand, devenu ton soutien de droite, je tuai Egkélados, l’ayant frappé de ma lance au milieu du bouclier. Voyons, cependant ! N’aurais-je point vu en songe ce que je raconte-là ? Non, par Zeus ! car je montrai les dépouilles à Bakkhos. Et, maintenant, ce que j’ai à faire est plus rude que tout cela. En effet, après que Hèra eut lâché sur toi cette bande de voleurs Tyrrhéniens, pour t’emmener au loin, moi, ayant appris la chose, je naviguai à ta recherche avec mes enfants. Sur le rebord de la poupe, je tenais la barre et dirigeais la nef mue des deux côtés par les avirons ; et mes fils, assis sur les bancs, blanchissaient la glauque mer, et te cherchaient, ô Roi ! Et déjà nous naviguions près de Maléa, quand le vent d’Est, soufflant contre la nef, nous jeta sur cette roche Aitnaienne, où les fils à l’œil unique du Dieu de la mer, les Kyklopes tueurs d’hommes habitent des antres sauvages. Pris par l’un d’eux, nous sommes esclaves dans sa demeure ; et on nomme Polyphèmos celui que nous servons ; et, au lieu de jouir de l’ivresse bachique, nous paissons les troupeaux d’un Kyklôps impie ! Mes fils, mes jeunes enfants, paissent les brebis sur les collines lointaines, et moi, je reste ici, chargé d’emplir les abreuvoirs, de nettoyer l’antre, et de servir les repas abominables du Kyklôps. Et, maintenant, comme cela m’est ordonné, il me faut racler la demeure avec ce rateau de fer, afin que nous recevions, dans l’antre balayé, mon Maître absent, le Kyklôps, et les brebis. Mais voici que j’aperçois mes fils qui viennent en paissant leurs troupeaux. Qu’est-ce ? N’est-ce pas le bruit des Sikinnides, ainsi qu’autrefois, compagnons de Bakkhos dans les fêtes nocturnes, vous alliez à la demeure d’Althaia, vous délectant du chant des lyres ?