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Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/23

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 discorde gronde ; deux avis divisent la vaillante armée des Grecs : les uns veulent qu’on immole une victime sur la tombe, les autres s’y opposent. Agamemnon, qui partage la couche de celle (07) qu’anime l’esprit prophétique, défendait ta cause avec zèle : mais les Théséides (08), ces deux rejetons d’Athènes, ont prononcé deux discours, et ils se sont rencontrés dans l’avis commun d’arroser le tombeau du sang d’une jeune victime. Ne préférons pas, disaient-ils, les amours (09) de Cassandre à la valeur d’Achille. Ces avis contraires se partageaient les esprits, jusqu’à ce que l’orateur artificieux, au langage flatteur, possédant l’art de gagner la multitude, le fils de Laërte enfin, persuade à l’armée de ne pas rejeter la demande du plus vaillant des Grecs, pour épargner le sang d’une esclave, afin qu’aucun des morts qui habitent le royaume de Proserpine ne pût dire que les Grecs, en quittant les plaines de Troie, s’étaient montrés ingrats envers les héros qui sont morts pour la Grèce. Ulysse viendra bientôt lui-même arracher ta fille de ton sein, et l’enlever à tes mains débiles. Mais cours aux temples embrasser les autels, jette-toi aux pieds d’Agamemnon en suppliante ; invoque les dieux, ceux du ciel et ceux des enfers. Peut-être tes prières obtiendront-elles la conservation de ta malheureuse fille ; sinon, il te faudra voir la vierge, égorgée, arroser dos flots de son sang le tombeau d’Achille.

HÉCUBE.

[154] Malheureuse que je suis ! à quoi bon mes cris ? vaines clameurs ! vain désespoir ! Infortunée ! triste vieillesse ! servitude intolérable ! hélas ! hélas ! qui viendra à mon aide ? Ô ma famille ! ô ma patrie ! — Mon époux