Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/309

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cela peut-il s’entendre ? Après cela je ne saurais plus vivre : le jour m’est odieux, la lumière m’est odieuse ! J’abandonne mon corps, je le sacrifie ; je me délivrerai de la vie en mourant. Adieu, c’est fait de moi. Les plus sages sont donc entraînées au crime malgré elles ! Vénus n’est donc pas une déesse, mais plus qu’une déesse, s’il est possible, elle qui a perdu Phèdre, et sa famille, et moi-même !

Le Chœur.

Avez-vous entendu la reine dévoiler sa passion funeste, inouïe ? Puissé-je mourir, chère amie, avant que ta raison t’abandonne ! Hélas ! hélas ! quelles souffrances ! Ô douleur, aliment des mortels ! Tu es perdue, tu as révélé de tristes secrets. Quelle longue suite de misères t’attend désormais ! Quelque chose de nouveau va se passer dans ce palais. Il n’y a plus à chercher sur qui tombe la persécution de Vénus, ô malheureuse fille de la Crète !

Phèdre.

373Femmes de Trézène, qui habitez cette extrémité de la terre de Pélops, souvent, dans la longue durée des nuits, je me suis demandé ce qui corrompt la vie des mortels. Selon moi, ce n’est pas en vertu de leur nature qu’ils font le mal, car un grand nombre ont le sens droit ; mais voici ce qu’il faut considérer : nous savons ce qui est bien, nous le connaissons, mais nous ne le faisons pas ; les uns par paresse, les autres parce qu’ils préfèrent le plaisir à ce qui est honnête. Or, il y a bien des plaisirs dans la vie : les longs entretiens frivoles, l’oisiveté, plaisir si attrayant, et la honte : il y en a de deux