Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/312

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est réservé ! Vénus est irrésistible, lorsqu’elle déchaîne toute sa violence : ceux qui lui cèdent, elle les traite avec douceur ; mais quand elle rencontre un cœur fier et rebelle, avec quelle hauteur pensez-vous qu’elle s’en empare et se plaise à l’humilier ? Vénus s’élance dans les airs, elle pénètre au sein des mers ; tout est né d’elle ; c’est elle qui fait germer et qui nourrit l’amour, auquel tous sur la terre nous devons la vie. Tous ceux qui possèdent les écrits des anciens, ceux qui jouissent du commerce des Muses, savent comment Jupiter fut épris de Sémélé ; ils savent que la brillante Aurore enleva parmi les dieux Céphale, par amour pour lui. Cependant ces divinités habitent toujours le ciel, et ne se dérobent pas aux regards des autres dieux ; elles se résignent sans doute à la destinée qui les a vaincues : et toi, tu ne céderais pas à la tienne ? Il fallait que ton père te mît au monde à certaines conditions, et sous l’empire d’autres dieux, si tu ne te résignes pas à ces lois. Combien crois-tu qu’il y ait d’époux sensés qui voient leur couche souillée, et feignent de ne pas voir ? combien est-il de pères qui favorisent les amours de leurs enfants coupables ? car l’habileté parmi les hommes consiste à cacher le mal. Les mortels ne doivent pas chercher dans leur vie une perfection trop rigide ; on ne prend pas non plus la peine de décorer le toit d’un vaste édifice. Dans l’abîme où tu es tombée, comment espérerais-tu échapper ? Mais si, pour toi, le bien l’emporte sur le mal, malgré ta condition mortelle, tu dois t’estimer bien heureuse. Ainsi, ma chère fille, renonce à de mauvaises pensées, et cesse tes outrages ; car c’est un véritable outrage, que de vouloir s’élever au-dessus des dieux. Ose aimer, c’est une déesse qui l’a voulu ; et ce mal qui te dévore, fais tout pour t’en délivrer. Il est des enchantements et des