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Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/37

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 L’avez-vous du moins respectée ? ou l’avez-vous impitoyablement massacrée comme une ennemie ? Parle, malgré tout ce que tu as de pénible à m’apprendre.

TALTHYBIUS.

[518] Femme, tu veux redoubler les larmes que m’arrache le sort de ta fille ; car le récit de sa mort va renouveler les pleurs que j’ai déjà versés sur elle au moment fatal L’armée grecque tout entière se pressait en foule devant le tombeau, pour être témoin du sacrifice de ta fille. Le fils d’Achille saisit Polyxène par la main, et la place sur le tombeau même. J’étais auprès de lui ; de jeunes guerriers, l’élite de la Grèce, se montraient prêts à contenir les mouvements de la tendre victime. Le fils d’Achille, prenant dans ses mains une coupe d’or, fait des libations à son père ; en même temps il me fait signe de commander le silence à l’armée. Aussitôt je me lève, et je m’écrie : « Silence, ô Grecs ! que toute l’armée fasse silence : gardez un profond silence. » Tout le monde reste immobile. Alors il prend la parole : « Fils de Pélée ! ô mon père ! reçois ces libations propitiatoires, par lesquelles on évoque les ombres. Viens te rassasier du sang pur de cette jeune fille, que l’armée t’offre avec moi. Sois-nous propice ; que nos vaisseaux puissent quitter le rivage et mettre à la voile, et permets-nous de partir d’Ilion, d’obtenir tous un heureux retour dans notre patrie. » Ainsi parla le fils d’Achille ; et toute l’armée se joignit à
sa prière. Ensuite il saisit son épée enrichie d’or, et, la sortant du fourreau, il fait signe aux jeunes Grecs de saisir la victime. Mais elle, lorsqu’elle vit leur dessein, s’écria : « Ô Grecs, destructeurs de ma patrie, je meurs volontairement : que personne ne porte les mains sur moi. J’offrirai ma tête avec courage. Au nom des dieux, en m’immolant, souffrez que je meure libre. Ê