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Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/38

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tre appelée esclave chez les morts serait une bonté pour moi, qui suis reine. » Alors s’éleva un murmure d’approbation. Le roi Agamemnon commande aux jeunes gens de lâcher Polyxène. Ceux-ci, dès qu’ils entendent cette voix puissante, se retirent. Polyxène, lorsqu’elle eut entendu ces paroles souveraines, déchira sa robe jusqu’à la ceinture (23), et offrit à nos regards sa poitrine et sa gorge, semblable à celle d’une belle statue ; et, posant un genou en terre, elle prononça les paroles les plus touchantes : « Jeune guerrier, dit-elle, veux-tu frapper mon sein ? le voici, frappe ; veux-tu frapper à la gorge ? la voici qui s’offre au coup mortel. » Saisi de compassion pour la jeune fille, il hésite ; enfin de son glaive il tranche le fil de ses jours, et fait couler des flots de sang. Celle-ci, même en mourant, observe de tomber avec décence, et de cacher ce qu’il convient de dérober aux regards des hommes (24). Lorsqu’elle eut rendu le dernier soupir, chacun s’occupe de soins divers : les uns couvrent son corps de feuillages (25) ; les autres, pour dresser un bûcher, apportent des branches de pins. Celui qui restait oisif entendait bientôt ce reproche : « Que fais-tu, lâche ? tu n’apportes rien pour parer la sépulture de la jeune fille ? Ne feras-tu aucune offrande à cette vierge généreuse et magnanime ? » Voilà ce que j’avais à te dire sur la mort de ton enfant ; et je vois en toi la mère de la plus noble des tilles, et en même temps la plus malheureuse des mères.