Aller au contenu

Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


LE CHŒUR.

[583] L’inflexible volonté des dieux a fait fondre un terrible désastre sur la race de Priam et sur ma patrie.

HÉCUBE.

Ô ma fille ! je ne sais, dans les maux qui m’accablent, lequel envisager. Quand une peine me déchire, une autre peine s’empare de moi, et une autre encore vient m’en distraire ; la douleur succède sans relâche à la douleur. Ne pas pleurer ton infortune, ou en effacer l’image de mon cœur, me serait également impossible : mais I excès de mon désespoir est adouci par ton noble courage. N’est-il pas étrange qu’un sol ingrat, s’il reçoit l’heureuse influence des cieux, porte de riches moissons ; et que le meilleur terrain, privé de la culture qui lui est nécessaire, ne donne que de mauvais fruits : tandis que, chez les hommes, le méchant n’est jamais autre chose que méchant, et le bon reste bon, sans que le malheur puisse corrompre sa nature ; il demeure toujours bon. Est-ce la naissance, est-ce l’éducation qui met cette différence entre les hommes ? Sans doute la bonne éducation est une école de vertu ; et celui qui a appris à la connaître sait aussi distinguer le mal par la règle du bien. — Mais où s’égare mon esprit (26) ?… Talthybius, va dire aux Grecs que personne ne touche au corps de ma fille, et qu’on en écarte la foule ; car, dans une armée innombrable, la multitude sans frein et la soldatesque indisciplinée (27) est plus impétueuse que la flamme ; et pour elle, le méchant est celui qui ne fait pas de mal. Et toi, ma vieille fidè